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Celui où je vais plonger en aveugle

J’avais prévu depuis un moment d’aller passer quelques temps à Gili Air pour plein de raisons, et il s’est avéré que mon timing était parfait. J’avais besoin d’une pause, j’avais besoin de changer de décor et j’avais besoin de plonger un peu pour moi et pas pour les autres.


Ca fait bien longtemps que je ne me suis pas sentie dans la position de l’élève en plongée, et l’un des buts de cette petite escapade était de suivre un cours de moniteur pour plongeurs handicapés, pour pouvoir les certifier comme plongeurs ou leur proposer une expérience de plongée malgré des handicaps plus ou moins lourds. Alors je précise tout de suite qu’on a passé un moment à parler des termes politiquement corrects à utiliser en anglais mais qu’en français je sais pas (et puis le politiquement correct ça n’a jamais été ce que je fais de mieux n’est-ce pas), donc je dis handicap parce que ça dit bien ce que ça veut dire, rapport que “personne de petite taille” ou “personne à mobilité réduite” ça ne suffit pas bien à mon exposé. C’était la minute de vocabulaire, merci de votre attention.

Cette formation s’est avérée encore mieux qu’espérée, il faut le dire. La première partie théorique était pour discuter de différents handicaps, comprendre les règles de sécurité et les standards etc. Ensuite la partie pratique, tout d’abord en piscine: comment on met une personne paraplégique dans son équipement puis dans l’eau ? Et dans l’eau comment on fait ? Et avec une personne aveugle ? Et comment on se parle sous l’eau vu que la personne ne voit pas vos signes ? (et oui moi aussi je me suis demandé mais pourquoi donc j’irai plonger si j’étais aveugle rapport que bien sûr je ne vois aucun poisson ??)

Donc la piscine c’était pour apprendre le contrôle et la communication, faire des essais de techniques différentes et ensuite s’assurer qu’aucune de nous trois n’aurait une attaque de panique sous l’eau en allant plonger en aveugle.


Parce que le lendemain mesdames et messieurs, plongée en mer, aveugle. J’ai commencé par mettre le masque aveugle (tout recouvert de gros scotch noir) au centre de plongée. Il faut avoir confiance tout de même pour laisser des gens que tu connais à peine t’emmener au bateau, te faire monter dessus, t’installer et puis te mettre à l’eau et ensuite sous l’eau. Donc on m’a mis sur le bateau, je me sentais un peu seule vu que je ne voyais pas qui était là même si je reconnaissais des voix, on me tapotait l’épaule en me demandant si ça allait toutes les deux minutes (et là tu te dis “mais on lui fait ça toute la journée à l’aveugle ? Je suis aveugle, pas malade”). Ensuite on s’est équipés (alors moi je peux faire ça les yeux fermés hein, mais imaginez quelqu’un dont c’est la première plongée…) et hop, bascule arrière dans l’eau. Sans rien voir. Allez j’avoue, y’a une seconde où je me suis dit “ah mais en fait ça fait comme ça quand on a les chocottes de se mettre à l’eau et de se faire bouffer par un gros requin tigre”. Bon y’a pas de requins tigre aux Gilis, mais vous voyez l’idée, je ne voyais rien venir. Après je me suis aussi dit “putain si c’est ENFIN le jour du requin baleine y’a intérêt à ce que quelqu’un me file mon masque”.


Cette plongée fut l’une des plus bizarres de ma vie. Je n’ai aucune idée de ma position ou ma profondeur, je sens que je fais le yo-yo bien plus que nécessaire. Je le sens à cause de mes oreilles, mais sinon rien. J’essaye de sentir où va le courant avec mon visage ou avec les bulles qui sortent de mon détendeur. Ma collègue qui fait le guide me tient le poignée et se sert de signes dans ma main pour me dire que tout va bien, mais j’entends bien qu’elle respire super vite et donc qu’elle est stressée. Moi la respiration ça va, je suis juste très mal à l’aise. Et je n’aime pas être mal à l’aise dans l’eau, l’eau c’est l’endroit où je suis bien, où je trouve la paix, où je réfléchis, où je vais quand je suis triste ou que j’ai mal ou que j’ai besoin d’être tranquille ou que je suis ronchon ou que j’ai la bougeotte, où les trucs les plus chouettes de la nature se produisent.

De temps en temps elle m’attrape par la stab ou l’épaule pour me diriger un peu, et enfin après un bon quart d’heure de plongée dans le noir total j’enlève le masque d’aveugle et je remets le mien. Quand j’ouvre les yeux, notre formateur Sander est en face de moi et se marre comme une baleine en me signalant que j’ai fait un peu les montages russes. Quand je sors de ma poche une ardoise pour écrire “J’AI DETESTE” il se marre encore plus. Petite pause pour moi pendant qu’on change de rôle, puis à la fin de la plongée c’est moi qui fait le guide, en essayant d’empêcher ma plongeuse aveugle de se tirer car elle, le stress la fait visiblement nager vite.

Ensuite comme on ne s’était pas assez amusées, on a été plonger paralysées depuis la taille. On m’a porté sur le bateau, puis mis dans mon équipement et en quelque sorte jeté à l’eau, mais il s’est avéré que pour moi c’était beaucoup plus facile. J’avais des gants en genre de pattes de grenouille et donc j’ai juste nagé avec mes mains, j’ai même trouvé deux ou trois poissons cool à regarder. Quand mon guide essayait de me contrôler dans l’eau comme un DSD vraiment nul ça ne m’a pas bien plu, donc elle a vite laissé tomber et elle a juste tenu ma stab pendant que je nageais avec mes mains dans une position pas du tout élégante avec mes jambes inutiles qui traînaient vers le fond. C’était crevant, mais c’était gérable.


Bref, c’était une super expérience. J’ai appris comment emmener plonger des gens que je pensais ne pouvait pas plonger, j’ai eu une expérience différente dans l’eau, ça m’a donné du grain à moudre sur la façon dont j’enseigne et donc j’explique les choses, ça m’a remué le cerveau un peu…et ça, ça fait toujours du bien.


Ensuite, j’ai passé une semaine encore à Oceans 5 pour donner un coup de main pour le cours d’instructeur PADI et c’était bien de bosser avec une équipe différente, dans un centre différent, de voir comment chacun fait ses cours etc. Gill Air après Lembongan c’est un peu comme aller à Las Vegas comme m’a dit un pote: bars, restos, fiestas, boutiques, etc. J’ai même réussi à caser quelques plongées, j’ai fait une superbe plongée de nuit (ornate ghost pipefish, mandarin fish, frogfish, cuttlefish, et oui je sais toujours pas les noms des poissons en français à part le thon…)

Bref, 10 jours excellents. Cette fois je n’attendrai pas 4 ans pour revenir à Gili Air, promis !!


Prochaines nouvelles sans doute en décembre chers amis, parce qu’en novembre je vais à Fidji. Ben oui, faut bien prendre des vacances sur une autre île de temps en temps.



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