Tout d'abord je voudrais faire remarquer aux lecteurs assidus que pour l'instant en 2017 j'en suis à un billet par mois (certes pas tous traduits, je vous l'accorde) et je vais donc brièvement m'auto-féliciter de cet effort. Et d'ailleurs bientôt ce blog aura 5 ans. Ce n'est pas tellement que j'ai plus de temps à passer à écrire, c'est plus que je fais des progrès dans la discipline de mon propre chaos et que je libère du temps pour les choses qui sont importantes, comme écrire pour moi-même (et aussi pour vous les amis).
Aujourd'hui c'est Nyepi, le jour du silence et le nouvel an Balinais de l'année 1939, qui s'annonce comme une très bonne année. Déjà mon quatrième Nyepi. Certains d'entre vous savent déjà comment ça se passe: interdiction de sortir, de faire du bruit, d'avoir de la lumière, etc. Hier comme à chaque fois la veille il y avait dans toutes les rues de tous les villages les parades de "ogoh-ogoh", ces espèces de monstres de papier mâché qui représentent les mauvais esprits.
A Bali c'est plutôt facile, car le courant fonctionne quand même. A Lembongan le courant est coupé pendant 24 heures et les années précédentes j'ai passé 3 Nyepi successifs sans électricité. Au bout d'un moment, l'ordi est mort, le téléphone est mort, tu sues à grosses gouttes sans ton ventilo et il ne reste plus qu'à faire ce qu'on doit faire à Nyepi: être silencieux, réflexionner sur le sens de la vie ou autres trucs importants et prendre une petite pause.
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Ce matin, alors que j'étais tranquillement les fesses dans mon hamac à écouter le silence de la rue, ça m'a donné à réfléchir sur cette connection permanente que la plupart des humains gèrent de nos jours. Il y a 20 ans quand j'ai démarré la fac (oui merci, ça ne nous rajeunit pas) c'était le début de l'internet. Altavista était un moteur de recherche et Google n'existait pas. Le dimanche, la salle informatique du campus ouvrait toutes les heures et j'attendais devant les portes pour pouvoir rentrer et explorer l'internet. J'ai créé ma première page web dans cette salle, il y avait deux photos et un texte que j'avais écrit.
La première fois où je suis partie avec un sac à dos était à peu près à la même époque (avant toutes les autres fois...). Mes parents devaient juste avoir confiance dans le fait que j'allais arriver sans danger à l'autre bout du monde et attendre un appel en PCV depuis une poste ou une cabine à l'autre bout du monde.
Ces jours-ci, si je vais dans des endroits d'Indonésie un peu reculés où je vais être sans réseau, je préviens: Maman cette semaine pas de whatsapp. Ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix car je suppose qu'après 72 heures sans nouvelles ma mamounette enverrait quelqu'un défoncer ma porte à Bali (elle est cap).
Mais il y a 15 ans quand je partais en voyage, j'étais plus jeune, j'avais zéro expérience de la vie, peut-être y avait-il moins de gens qui voyageaient aussi...et pourtant, on le faisait quand même.
Internet et toutes les technologies qui ont suivi ont transformé la façon dont on communique et donc dont on voyage. On part, on va faire tous ces trucs cool dans un endroit cool et tout de suite on partage avec ceux qu'on aime ou avec le monde entier. Pour certains, voyager est devenu un job, ou tout au moins une source de revenus. Il y a aussi toute cette information disponible au bout de nos doigts, il est à présent rare de se retrouver dans un endroit dont on ne sait rien de rien. Quelqu'un a été là avant, donc il y a des infos sur le net.
Je ne pointe du doigt personne, je suis comme tout le monde. Je prends des photos cool et je les mets en ligne. Je dis "je suis là". La photo a tellement changé aussi, aujourd'hui tout le monde est un instaphotographe ou autre truc du genre. Mais les vrais photographes, les artistes, ils sont toujours une poignée.
En janvier à Komodo j'ai eu 5 jours complets sans signal ni réseau quelconque et ça a été un vrai BONHEUR. Juste plonger et glander. Je crois que je vais faire de ça une coutume annuelle. Une semaine de "je ne suis disponible que pour les gens qui sont là tout de suite et pas pour le reste du monde". Aller plonger quelque part et disparaitre un peu. Faire une pause.
L'autre jour j'écrivais à propos de danser avec ses démons. Je danse pas mal ces derniers temps, je ne sais pas encore qui va quitter la piste en premier, moi ou les démons. Mais la vie est un progrès perpétuel, n'est-il pas. Aujourd'hui c'est le jour où les démons rôdent dans les rues de Bali, les trouvent vides et silencieuses et s'en vont hanter une autre île.
Je vous souhaite à tous une excellente année balinaise 1939.
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